– Mobiliser les communes de Côte d’Ivoire : des engagements croissants

– Mobiliser les communes de Côte d’Ivoire : des engagements croissants

En Côte d’Ivoire comme dans les pays voisins, le processus de décentralisation entamé dès le début des années 1990 a donné davantage de pouvoirs aux collectivités territoriales. Dans ce contexte, les communes, en tant que collectivités territoriales de base, ont hérité de la capacité et responsabilité de planifier le développement local, y compris en matière de droits et santé sexuels et reproductifs (DSSR) et planification familiale (PF). Pour garantir la priorisation des DSSR/PF à tous les échelons de gouvernance, la société civile ivoirienne joue un rôle croissant et les membres d’Alliance Droits et Santé s’y emploie avec les jeunes.

 

La mobilisation des communes pour les DSSR : un enjeu stratégique

Les communes de Côte d’Ivoire ont un rôle central à jouer dans l’élaboration et la mise en œuvre d’activités de promotion des DSSR/PF et de sensibilisation des citoyen·ne·s. Pourtant, ces thématiques restent trop souvent reléguées au second plan dans les exercices de planification et de budgétisation pluriannuels et annuels des communes. Les acteurs·rices des communes ne sont en effet pas forcément informé·e·s sur ces enjeux et leur pertinence pour le développement local. Les directives nationales ne sont pas nécessairement appropriées aux échelons infra de gouvernance.

Pour garantir la priorisation des DSSR/PF à tous les échelons de gouvernance, la société civile ivoirienne joue un rôle croissant. Dès début 2017, trois organisations de la société civile (OSC) – l’Organisation Nationale pour l’Enfant, la Femme et la Famille (ONEF), le Réseau Ivoirien des Jeunes contre le Sida (RIJES) et LEADAFRICAINES – ont ainsi joint leurs voix pour interpeller les décideurs des communes du district d’Abidjan pour qu’un budget significatif et transparent soit alloué aux DSSR/PF, notamment des adolescent·e·s et jeunes, dans leurs localités.

 

Une année de plaidoyer collaboratif

Pour convaincre les communes du district d’Abidjan – et en particulier celles de Cocody, Treichville et Yopougon – d’investir davantage dans les DSSR, l’ONEF, le RIJES et LEADAFRICAINES ont choisi de mobiliser les premier·e·s concerné·e·s – à savoir les adolescent·e·s et jeunes ! Plaider pour la réalisation des droits sexuels et reproductifs des jeunes ne peut se concevoir sans les associer de manière centrale.

Des représentant·e·s du conseil des jeunesses communales ont été sensibilisé·e·s à la thématique DSSR et associé·e·s à toutes les étapes du plaidoyer. Un manifeste plaidant pour une meilleure prise en compte des DSSR dans les budgets des communes du district d’Abidjan a été élaboré et largement diffusé, et plus de 5700 signatures ont été recueillies à ce jour auprès de jeunes et adolescent·e·s du district. Des animations et activités de sensibilisation autour des DSSR ont été organisées à différentes occasions, par exemple en marge des Jeux de la Francophonie en juillet 2017 et pendant la Conférence Internationale sur le SIDA et les Infections Sexuellement Transmissibles en Afrique en décembre 2017. Deux journées de formation en février 2018 ont permis de sensibiliser une soixantaine de jeunes des structures et associations à la base de l’ensemble du district aux DSSR et à la PF. Ces formations ont aussi permis aux jeunes impliqué·e·s d’analyser les besoins existants dans leurs communes ainsi que les activités DSSR/PF déjà mises en œuvre. Enfin, des représentant·e·s de mouvements de jeunes ont participé activement aux activités de plaidoyer à l’encontre des autorités communales. Un événement mobilisateur autour de l’investissement des mairies dans les DSSR a ainsi eu lieu en novembre 2017 à Abidjan, avec la participation active de jeunes du district.

Cette approche de mobilisation sociale à la base a permis aux jeunes du district de faire entendre leurs voix et de relayer leurs besoins et leurs revendications. Elle a également permis de renforcer les capacités d’un grand nombre de jeunes pour que ceux·celles-ci puissent se faire les porte-paroles du plaidoyer à l’encontre de leurs décideurs·euses.

 

Quelles leçons apprises et quelles perspectives ?

A travers cette année de plaidoyer, il s’est avéré crucial d’impliquer toujours davantage les jeunes dans les plaidoyers qui les concernent, et en particulier dans les plaidoyers auprès des mairies. En effet, les jeunes sont les plus à mêmes d’identifier leurs besoins et de les relayer auprès des décideurs·euses.

Il est cependant nécessaire de garantir la participation d’une large base de jeunes, et non uniquement ceux et celles déjà actifs·ves politiquement dans les communes – et ceci afin de garantir que les revendications portées reflètent les besoins du plus grand nombre. A cet effet, il est important d’aller dans les quartiers au-devant des associations de jeunesse parfois invisibilisées dans les processus de prise de décision des communes.

Il est également important de mettre l’accent sur la formation et le renforcement des capacités des jeunes et de leurs structures. Cela permet aux jeunes de participer de manière active à l’élaboration des plans et budgets qui les concernent, et de faire des propositions informées d’activités lors des exercices de planification communale.

Enfin, la question de la traçabilité et du suivi des financements alloués aux DSSR, en particulier pour les adolescent·e·s et les jeunes, restent une priorité. En effet, certaines communes du district d’Abidjan disposent de moyens financiers non négligeables et allouent déjà une certaine portion de ceux-ci à des activités ciblées « DSSR des adolescent·e·s et jeunes ». Néanmoins, faute d’une nomenclature spécifique (ligne budgétaire) dédiée aux DSSR, l’allocation effective de ces fonds reste difficile à apprécier. Il s’agit donc de travailler sur le long terme à la réalisation d’une culture de la transparence et de la participation citoyenne dans la gouvernance locale.

Il s’agit de chantiers ambitieux mais cruciaux au vu de l’étendue des besoins en matière de DSSR des adolescent·e·s et jeunes de Côte d’Ivoire. Pour que ces droits sexuels et reproductifs deviennent une réalité, les OSC doivent plus que jamais poursuivre leur travail de garante de la redevabilité sociale et de courroie de liaison entre citoyen·ne·s, jeunes et décideurs·euses.