Nourou Adjibadé, directeur exécutif de l’ONG CeRADIS, nous dresse en 10 éléments clés un tableau de la planification familiale (PF) au Bénin.

1 – Le taux de prévalence contraceptive encore à 9% mais des environnements politiques et juridiques favorables à la Planification Familiale (PF) 

Au regard des données des Enquêtes Démographiques et de Santé de 2011-2012, document de référence en la matière, le taux de prévalence contraceptive moderne est de 9%.

La volonté politique reste faible pour faire de la planification familiale un véritable outil de développement. Néanmoins l’environnement politique y est favorable. Le plan national de développement sanitaire (PNDS) du Bénin (2009/2018) et la stratégie national de repositionnement de la PF (2011/2015) prennent en compte la promotion d’une fécondité responsable. Le gouvernement du Bénin dispose d’un plan de promotion de la PF tel qu’inscrit dans le partenariat de Ouagadougou.
L’environnement juridique est également propice à la promotion de la PF avec la loi relative à la santé sexuelle et reproductive.Cette loi constitue le cadre général de la réglementation de la santé de la reproduction au Bénin. Elle garantit les droits des personnes les plus vulnérables en matière de santé de la reproduction et inventorie l’essentiel des problèmes de droit relatifs aux mutilations génitales féminines, aux viols, aux violences conjugales et aux harcèlements sexuels. Elle donne l’accès, sans discrimination aux services de planification familiale.

2 – De nombreux et divers produits contraceptifs disponibles 

Au Bénin, les principaux contraceptifs disponibles sont : les contraceptifs oraux (pilules), les injectables (depo provera), les implants (Jadel, norplant) et les dispositifs intra utérins (le stérilet). En En tant que centre jeunes, le Kapote Kiosk de CeRADIS sensibilise les jeunes aux moyens de contraception existants et met à leur disposition des préservatifs, double protection contre le vih/sida et les grossesses non désirées.

3 – Un accès difficile pour les jeunes aux moyens de PF
Malgré leur disponibilité, l’accès aux contraceptifs est difficile pour les jeunes du fait de son caractère tabou, les parents ont du mal à communiquer sur les questions de sexualité avec leurs enfants. De plus, il n’y a pas de services adaptés aux jeunes pour l’information sur les produits contraceptifs. S’ajoute à cela le faible pouvoir d’achat des jeunes qui ne leur permet pas l’acquisition de produits PF. L’Etat devrait créer des centres jeunes pour atteindre plus facilement les jeunes.

4 – Le Top 3 des moyens de contraception : pilule, préservatif et injectable 

Les méthodes les plus utilisées au Bénin sont les pilules, préservatifs et l’injectable (depo provera). L’Etat béninois devrait rendre davantage disponible les méthodes contraceptives de longue durée pour mieux prendre en compte des besoins non satisfaits en planification familiale.

5 – L’utilisation de la PF doit faire face à de nombreuses barrières géographiques et socio-culturelles 

– L’accessibilité géographique : les services de PF sont concentrés dans les grandes villes, les zones rurales n’ont pas facilement accès aux produits contraceptifs ;

– Le doute des populations quant à la confidentialité sur l’accès aux services PF ;

– L’attitude pro-nataliste des leaders coutumiers et religieux ;

– La perception négative par certains hommes de la PF (stéréotype) ; ce qui les rend réticents à l’utilisation des produits contraceptifs par les femmes. A cette barrière, s’ajoute le faible pouvoir de décision des femmes dans les ménages, leurs droits étant peu reconnus ;

– Les attitudes négatives vis-à-vis des femmes qui ne sont pas en union et des adolescents les empêchent de fréquenter les services de PF.

6 – Les objectifs et enjeux en matière de PF au Bénin entre demande, offre, accessibilité et environnement socio-culturel

 
Un des objectifs du Bénin est d’augmenter le taux de prévalence contraceptive à 20% d’ici fin 2018 avec 570 000 utilisatrices 15 ans à 49 ans. L’Etat s’engage à rendre plus disponible et accessible les produits contraceptifs en minimisant les ruptures de stocks et en allouant 250 millions de francs CFA pour l’achat de ces produits, en diversifiant les sources de financement.
Un enjeu majeur en matière de planification familiale est de pouvoir accroître la demande et l’offre dans un environnement où il y a toujours des blocages liés aux pesanteurs sociales et stéréotypes. L’Etat devra agir simultanément sur l’environnement social et la disponibilité des différents produits contraceptifs.
Notons également que le paquet de service offert dans les maternités n’intègre pas la sensibilisation sur la PF parce qu’Il n’existe pas de service PF dans les maternités. L’opportunité de l’accouchement n’est pas exploiter pour informer les femmes sur les méthodes contraceptives.

7 – Une Loi et un plan de repositionnement pour développer la PF 

Des engagements sont pris par l’Etat pour l’amélioration de la santé sexuelle et reproductive. On peut voir un début de concrétisation avec notamment le vote d’une loi sur la santé sexuelle et reproductive, même si le décret d’application reste à élaborer. Le Plan de repositionnement de la PF a également été adopté et vient d’être lancé officiellement par le Ministère de la Santé du Bénin le 29 janvier 2015 avec l’allocation 250 millions de francs CFA pour l’achat des produits contraceptifs pour augmenter l’offre dans les services de planification familiale.

8 – Un élément clé : Le Plan National d’Action budgétisé pour le repositionnement de la Planification Familiale au Bénin (2014-2018)

Ce plan est un document de référence qui donne des orientations stratégiques sur le repositionnement de la PF et le renforcement de la disponibilité des produits, du cadre institutionnel et juridique de même que l’accès à des services de PF de qualité. Ceci marque une volonté du gouvernement à offrir des services de planification familiale de qualité. La finalité est de respecter les engagements pris dans le cadre du partenariat de Ouagadougou. Le plan de repositionnement de la planification familiale permettra d’agir sur la demande, l’offre et l’environnement.

9 – Les ONG Béninoises : vigies pour le respect des engagements pris par l’Etat

Les ONG béninoises ont un rôle stratégique pour la PF : elles veillent et influencent le gouvernement à respecter ses engagements pour l’amélioration des offres de services de qualité de la planification familiale au Bénin.
Les ONGs ont contribué à l’élaboration du plan national de repositionnement de la PF au Bénin. Même si les ONGs assurent un suivi des activités de PF du gouvernement pour mieux orienter les interpellations, on note une faiblesse dans la coordination et de synergie.
Certaines ONGs offrent des services de planification familiale. L’Etat devra s’engager davantage pour renforcer ces ONGs à améliorer la qualité de leurs services.

10 – Une To Do List pour relever les futurs défis 
Face aux défis à relever tels que l’augmentation de la demande, de l’offre et créer un environnement habilitant, le Bénin devra mettre un accent particulier sur :

– Le suivi et la coordination des actions en faveur de la PF avec un renforcement de la collaboration Etat /ONG intervenant dans le domaine de la PF ;

– L’ouverture des centres jeunes pour des services spécifiques aux jeunes en confiant la gestion de ces centres aux jeunes, ce qui favorisera l’accès des jeunes aux services de planification familiale ;

– L’allocation des ressources nécessaires à la mise en œuvre du plan de repositionnement de la Planification Familiale récemment lancé ;

– Une meilleure synergie des interventions en faveur de la promotion de la planification familiale ;

– Le renforcement des capacités des organisations de la société civile pour plus de professionnalisme ;

– La mise en place d’un mécanisme de suivi de la mise en œuvre du plan de relance de la PF ;

– Le soutien et la synergie avec les actions visant à réduire les inégalités entre hommes et femmes et à renforcer l’empowerment des filles et des femmes.