– Grossesses non désirées en milieu scolaire : Lettre ouverte au Ministère de l’éducation nationale
Nous, organisations membres d’Alliance Droits et Santé, un réseau d’Organisations Non Gouvernementales (ONG) regroupant six pays avec 16 structures membres – mouvements de jeunes, mouvements de femmes et associations techniques œuvrant dans le domaine des droits et de la santé sexuels et reproductifs, avons pour ambition d’améliorer le statut et la santé des femmes et des filles d’Afrique de l’Ouest.
C’est au regard de cette ambition que nous saluons l’engagement pris par le Premier Ministre lors de sa déclaration de politique générale en janvier 2016 – engagement d’ « intégrer dans les programmes de modules sur la santé sexuelle et reproductive afin de diminuer le nombre de grossesses précoces ».
Nous nous intéressons plus particulièrement à la mise en application de cet engagement, au regard de la préoccupation majeure que constitue les grossesses non désirées dans les politiques de développement de notre jeunesse tant en milieu scolaire que non scolaire.
DES GROSSESSES PRÉCOCES EN MILIEU SCOLAIRE : UN DÉFI POUR LE GOUVERNEMENT
L’augmentation exponentielle des cas de grossesses non désirées dans nos établissements scolaires est un signe d’alerte pour l’ensemble des parties prenantes des systèmes éducatifs mais aussi sanitaires sur l’urgence d’agir de manière intégrée et multisectorielle sur les causes de ces grossesses non désirées chez les jeunes filles. À titre d’exemple, 56 cas de grossesses non désirées et 182 filles-mères ont été recensés au cours de l’année 2011-2012 dans les lycées et collèges de Ziniaré (région du Centre)[1].
Les efforts pour endiguer ce phénomène consentis par l’État et les partenaires techniques et financiers ainsi que les organisations de la société civile sont considérables. Il s’agit entre autre de la mise en œuvre du Plan Stratégique de santé des jeunes 2015-2020, du plan national de relance de la planification familiale 2013-2015, et des programmes d’éducation en matière de population (EMP) – qui existent depuis 1985 et dont le dernier couvre la période 2012-2016.
Malgré ces multiples efforts, les indicateurs liés à la santé sexuelle et reproductive des jeunes filles et adolescentes restent alarmants et demeurent un souci pour l’État et un défi de développement pour notre pays. Selon l’EDS de 2010, « les proportions d’adolescentes ayant commencé leur vie féconde augmentent rapidement avec l’âge, passant de 1% à 15 ans à 18% à 17 ans et à 57% à 19 ans, âge auquel 49% des jeunes filles ont déjà eu au moins un enfant. »
[1] Direction régionale de l’enseignement secondaire et supérieur du Centre
LOURDES CONSEQUENCES SUR L’ÉDUCATION ET LA SANTÉ DES JEUNES FILLES
Les conséquences immédiates des grossesses non désirées en milieu scolaire sont un abandon scolaire plus fort chez les filles, qu’il s’agisse d’une décision personnelle des filles enceintes pour éviter la stigmatisation sociale ou que ce soit une déscolarisation par les parents qui redoutent ce fléau en milieux scolaire à l’égard de leurs filles. Pour l’année scolaire 2012-2013, seulement 19,4% des filles inscrites au post-primaire (collège) achevaient leurs études ; et seulement 6,6% des filles inscrites au secondaire (lycée) terminaient leur cursus[1]. Cet état de fait induit plus tard une faible représentativité des filles et des femmes dans les sphères de décision.
Autre conséquence grave pour les adolescentes subissant une grossesse non désirée : elles sont plus exposées à la mortalité maternelle (leur corps n’étant pas assez mature pour une grossesse) et aux complications liées à un avortement clandestin. À titre d’exemple, en 2001 au CHU-Souro SANOU de Bobo-Dioulasso, 37 % des décès maternels étaient dus à des avortements clandestins et plus de 50% concernaient des adolescentes[2].
[1] Annuaire statistique des enseignements post primaire et secondaire 2012-2013. MESS, Septembre 2013. Ces données représentent le Taux d’achèvement
[2] UERD, 2001
APPEL À L’ACTION
Nous encourageons l’État, à travers le Ministère de l’Éducation Nationale et de l’Alphabétisation, à concrétiser au plus vite l’engagement pris par le Premier Ministre en janvier 2016 d’intégrer des modules sur la santé sexuelle et reproductive dans les curricula de l’enseignement scolaire. L’effectivité de cette mesure permettra de donner un meilleur espoir de carrière et d’épanouissement à nos filles, et de renforcer leurs perspectives d’avenir et leur participation au processus de développement du Burkina Faso.
Plus la mesure tardera à être mise en application, plus nos filles courront le risque de subir des grossesses non désirées, avortements à risque et abandons scolaires, qui auraient pu être évités.
Nous, membres d’Alliance Droits et Santé, disons notre disponibilité à soutenir les initiatives du gouvernement pour l’amélioration de l’éducation juste de nos enfants à la santé sexuelle et reproductive.
Monsieur le Ministre, une des clés au problème des grossesses non désirées en milieu scolaire est entre vos mains ; à vous l’action !
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