– La délégation des tâches en Côte d’Ivoire : le plaidoyer doit se poursuivre
Depuis un an, trois organisations de la société civile (OSC) – l’Association de Soutien à l’Autopromotion Sanitaire et Urbaine (ASAPSU) ; le Mouvement des Jeunes pour l’Education, la Santé, la Solidarité et l’Inclusion (MESSI) ; et l’Association des Femmes Juristes de Côte d’Ivoire (AFJCI) – sont mobilisées pour que les engagements pris par la Côte d’Ivoire en matière de délégation des tâches (DT) se traduisent en actions concrètes sur le terrain. Quelles perspectives après cette année de plaidoyer ?
La délégation des tâches, une approche prometteuse
Dans le champ de la planification familiale (PF), la DT permet à des catégories supplémentaires — soit nouvellement créées, soit préexistantes — d’agent·e·s de fournir certaines méthodes de PF au niveau des établissements de soins de santé primaire ou au niveau communautaire. Ces agent·e·s incluent diverses catégories d’infirmièr·e·s, sages-femmes, accoucheurs et accoucheuses ainsi que les agent·e·s de santé à base communautaire (ASBC/ASC) et équivalents. Mise en œuvre dans des conditions adéquates et adaptées à chaque contexte, la DT permet d’amener les services de PF au plus près des femmes, filles et couples qui en ont besoin.
Des expériences prometteuses sont en cours en Afrique de l’Ouest francophone. Au Togo, les ASC peuvent fournir une large gamme de méthodes modernes de PF et la DT a été institutionnalisée au niveau politique. Au Burkina Faso, la DT est en cours d’expérimentation dans deux districts sanitaires et la priorité est à la levée des barrières institutionnelles et politiques en vue du passage à l’échelle.
De son côté, la Côte d’Ivoire a pris des engagements forts en faveur de la DT, par exemple lors de l’Assemblée Ordinaire des Ministres de la Santé de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest ou lors du sommet Family Planning 2020 de Londres. Ces engagements tardent cependant à se traduire en actions sur le terrain. La DT est donc un enjeu de plaidoyer crucial. Cette année de plaidoyer porté par l’ASAPSU, le MESSI et l’AFJCI en est la preuve.
Un an de plaidoyer : quelles leçons ?
Afin de plaider pour la mise en œuvre de la DT notamment au niveau communautaire en Côte d’Ivoire, l’ASAPSU, l’AFJCI et le MESSI ont su mobiliser tout un ensemble d’acteurs et d’actrices.
Elles ont mobilisé la société civile dans son ensemble pour développer des objectifs et un langage communs autour de la DT. A cet effet, un premier atelier de concertation rassemblant OSC et associations professionnelles a eu lieu en juin 2017.
Elles ont mobilisé les communautés à travers des émissions radio pour sensibiliser les auditeurs·rices aux enjeux et à l’importance de la DT, et à travers un reportage vidéo documentant les besoins et défis de l’accès à la PF.
Elles ont enfin interpellé les autorités à travers notamment les directions concernées du Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique lors d’un dialogue de haut niveau qui a eu lieu à Abidjan en novembre 2017. Ce dialogue a vu la participation de délégué·e·s et représentant·e·s des ministères de la santé des pays voisins, partenaires techniques et financiers, organisations non-gouvernementales internationales, et représentant·e·s des associations de professionnel·le·s et de la société civile ivoirienne.
Ces activités ont permis de placer fermement la DT au cœur de l’agenda politique. Elles ont aussi permis de cerner les étapes à franchir et barrières à lever en vue d’une opérationnalisation progressive de la DT en Côte d’Ivoire. Parmi les priorités à adresser à cet effet, il s’agit d’adopter les cadres stratégiques et politiques permettant de renforcer la santé communautaire, de poursuivre la mise en œuvre d’un projet d’expérimentation de la DT dans deux districts sanitaires, et de finaliser et adopter la loi sur la santé de la reproduction comme jalon clé en matière de PF.
Un plaidoyer qui ne fait que commencer
La route est longue, comme le montrent les expériences des autres pays de la sous-région. Plus que jamais, la société civile ivoirienne a un rôle à jouer pour s’assurer que la DT reste au cœur de l’agenda politique et pour agir sur les différents leviers juridiques, institutionnels et programmatiques qui permettront de faire de celle-ci une réalité.
A l’issue du dialogue de haut niveau qui s’est tenu à Abidjan en novembre 2017, une chose est cependant sûre : la volonté politique est là, la société civile est mobilisée, et les efforts sont à poursuivre. La prochaine étape : garantir la finalisation et l’adoption du plan stratégique en santé communautaire qui permettra d’évoluer vers une prise en compte renforcée de la PF dans la santé communautaire.
Crédit de la photographie : Christophe Abramowitz